SOMMAIRE

 « Les miroirs, avant de renvoyer les images, feraient bien de réfléchir »

(Jean Cocteau, La belle et la bête)

I. Images

  1. Définition
  2. L'imaginaire collectif et l'image
  3. Fonction de la Rhétorique
  4. Pour une performance de l'image
  5. Le Mythe télévisuel : étude du Signe (vidéo)
  6. Image : Puissant facteur psychologique, Arme de guerre (vidéo)
  7. L'image relayée par France2 lors du conflit Irakien en 2003

II. Propagande

  1. Approche historique de la propagande
  2. La propagande ne se voit pas (vidéo)
  3. Exemple, par l'image, de propogande
  4. Communication, Propagande et 11 septembre 01 : la politique du pire? (Films)
  5. Le cinéma et la communication

 

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"Ceci n'est pas une pipe" (Magritte)

Introduction

La propagande, aujourd'hui comme hier, est étroitement liée à l'Image. Au certes, elle n'a pas attendu l'apparition de la gravure, de la photo ou du cinéma pour perçer, mais elle trouve aujourd'hui, dans notre "civilisation de l'image", une résonance particulière et une facilité déconcertante. L'image ne se met pas en doute pour le commun des mortels : elle est naturelle et donc ne se conteste pas.

L'image, c'est la Représentation de la réalité, ce n'est pas la Réalité. Et pourtant nous pouvons nous y tromper. L'image est un trompe l'œil, et la question fondamentale est de savoir si l'œil s'y trompe ou ne s'y trompe pas. Aujourd'hui, dans notre socièté du spectacle, au lieu de traiter les choses en profondeur, on traite les Images.

L'image ne se définit plus en termes de référence à un original, mais selon l'usage que l'on fait d'elle, selon sa perception par le spectateur, l'affect qu'elle génère et l'intérêt qu'on lui porte comme réalité à part entière. Son indépendance par rapport au référent et au médium l'a rendue imprécise. C'est à travers une étude de ses usages que son existence encore flottante prendra quelques contours.

L'image c'est la réserve de liberté du visible. L'image n'est pas un objet; les visibilités sont des objets. Nous produisons du visible. J'appelle "image" ce qui habite le visible en terme d'exigence. L'image, c'est le mot par lequel dans le visible se dit l'exigence d'un regard. L'image : "le cinéma travaille avec l'invisible", construction d'un sens qui surgit non pas dans le visible, mais entre les images : l'invisible n'est pas derrière le visible mais entre les images.

Cette "entre les images", cette façon dont la présence tiers d'un sens permet, dans le flux des images, de construire du sens avec des sujets qui regardent.

L'image pose toujours la question de celui qui regarde; elle n'est jamais un objet. Elle est l'exigence qu'il y ait du sujet : l'image c'est du relationnel.

Sa présence fait obstacle à la vraie connaissance, elle s'oppose à l'idée, au concept. L'image est sensible, particulière, elle est une apparence; l'idée au contraire est abstraite et seule capable d'appréhender l'essence véritable des choses.

Reproduction, représentation : l'image est seconde. Elle redonne ce qui a été produit, ce qui a été présenté. Elle est duplication d'une chose qui la précède, qui vient avant elle, dans le temps et dans l'espace. C'est la photographie que l'on prend pour conserver la trace de ce qui a été, la carte postale que l'on achète pour se souvenir d'un paysage ou d'un monument, c'est le portrait que l'on a sur soi pour revivre le moment heureux.

Re-produire, re-présenter, re-vivre: ces actions, toujours secondes, n'ont pas d'autonomie propre, elles sont liées à une première, qui les précède et constitue l'original, la source, elles en dépendent. De sorte que leur existence est conditionnée par l'autre, la première. Point de reflet sans visage, point d'image sans source, sans objet qui produit la trace. Mais point d'image non plus sans le support sur lequel s'imprime cette trace.

 

Définition

>>> Les images ont cette particularité intrinsèque de projeter n'importe quel discours au spectateur / téléspectateur; " Un objet réel n'est pas un signe de ce qu'il est mais peut être le signe de quelque chose d'autre ." Tout un chacun s'approprie le signe, qui devient dés lors son signe, puisqu'il en déduit une signification qui dépend de sa culture. Comme l'a rappelé Charles Sanders Peirce, un signe "est quelque chose, tenant lieu de quelque chose pour quelqu'un, sous quelque rapport ou à quelque titre." Pour "ne pas s'en laisser conter", il est nécessaire d'opter pour une démarche analytique de l'image, ce qui n'est pas chose naturelle et doit impérativement s'entendre " comme un mouvement à contre-courant, orienté vers cet "amont" du message où se trafiquent les effets de sens ".

Pierre Fresnault-Deruelle, L'Eloquence des images , PUF, 1993.

Eliseo Veron, l'analogique et le contigu , in Communication n° 15, Seuil, 1970

In Martine Joly, Introduction à l'analyse de l'image , Nathan, p 25

>>> Toute image, nous venons de le voir, possède sa propre valeur intrinsèque, et c'est pourquoi la télévision incruste son propre commentaire pour réduire ainsi la polysémie de ce que l'on est en train de voir, afin d'inscrire dans la mémoire de celui ou celle qui regarde une signification précise, non trop éloignée de sa propre vision stéréotypée conforme à sa culture; il ne faut pas trop creuser un écart important entre le discours et l'image d'un côté, et entre ce qui est diffusé et la culture dominante ou ce discours est diffusé d'autre part. Et notre culture, ne l'oublions pas, est occidentale, et par conséquent tous ce qu'on va nous diffuser, est ce que l'on attendait de ce qui allait être, autrement dit, la vision explicite de ma vision implicite : en décrivant ce que je vois, je me décris moi même; dés lors la télévision occidentale contient en elle-même les stéréotypes amplifiés, concentrés, conscients ou inconscients, de la masse occidentale. Et ces images de prisonniers irakiens étaient tellement attendues qu'une simple vérification aurait été désuète. Mais lorsque "l'autre camp" diffuse des images que l'on ne s'attendait pas à être, il y a problème et mise en désordre de l'ordre symbolique national, voire le risque d'une remise en question d'une idéologie capitaliste et libérale internationale.

Affiche pour la mobilisation durant la première guerre mondiale

La preuve par l'image remplace le raisonnement politique et la réflexion distanciée. Mais pour ceux qui la fabriquent, la mettent en scène, le raisonnement et la réflexion ne sont pas si distancié qu'il n'y paraît.

>>> L'empire est devenu autiste à force de ressasser les images qu'il a lui-même produites. Il a fini par croire à ses propres représentations et par confondre le spectacle et le réel.. Il pourrait bientôt avoir à méditer la phrase de Mc Luhan, penseur de ce village global que l'Amérique prétend instaurer : " La guerre de la télévision signifie la fin de la dichotomie entre civils et militaires. Le public participe maintenant à chacune des phases de la guerre et ses combats les plus importants sont livrés par le foyer américain lui-même ." Et nous pourrions rajouter les foyers mondiaux du fait de la mondialisation de l'information et des échanges d'images.

>>> La guerre est un phénomène plurifocal. Il n'existe pas une image juste de la guerre, mais juste des images. La guerre ne se montre pas. Elle s'approche par des vues diverses et complémentaires, des choix visuels, des lieux de cadrages bien spécifiques. Certaines images se révèlent singulièrement pauvres ( "descriptions du moral des troupes, matériel à disposition, bombardements comme autant de feux d'artifices avec le son, surtout le son, qui donne un côté sensationnel, mouvement de troupes" ) qui ne se comprennent que par le commentaire, qui les détourne totalement; dés lors le "communiqué" et l'intoxication priment, quand l'excitation indécente de journalistes, condamnés à combler le vide, n'agit pas comme propagande souvent inconsciente. Mais notre culture visuelle de la guerre est bien "développée" à l'instar des photos et des films documentaires lors de l'ouverture des camps nazis en 1945 qui font voir des vues insoutenables dans l'horreur.

>>> Terrible leçon pour le"marketing"de la guerre : persuader, ce n'est pas accumuler du " contenu ", des éléments rhétoriques qui auraient leur force propre de conviction. C'est aussi entrer en résonance avec celui à qui l'on s'adresse. Or, la population française est bien informée et à une culture de l'image de la guerre assez développée; prenons ne serait-ce que l'exemple du bombardement du marché de Sarajevo en 1992, où tous les Français ont vu sur les écrans l'horreur presque en direct, des gens hurlant de douleur, d'autres baignant dans leur sang, ici des jambes arrachées, là des bras coupés. Les caméras ne savaient où donner de "l'œil". Ces images sont inscrites dans notre mémoire et gravent pour l'éternité en nous la définition même de la guerre; ces images sont le discours de la guerre, remplaçant les traditionnels rhétoriques et discours officiels qui masquent la réalité.

Campagne présidentielle 2004. George W Bush suspecté d'avoir recours à un emetteur radio

1.L'imaginaire collectif et l'image

" Rien n'est plus trompeur que l'image, souvent évoquée à propos de la presse, du forum, du lieu où tout pourrait être publiquement discuté. Il n'existe pas un espace ouvert à tous ceux qui le veulent, mais des agents qui décident en fonction des lois propres de fonctionnement du champ journalistique, ce qui mérite ou non d'être porté à la connaissance de publics plus ou moins marges et hétérogènes socialement ."

La rhétorique peut être définie, au moins sommairement, comme " l'art de la parole feinte ". En littérature, depuis le romantisme, règne le culte du " naturel " et de la " sincérité ". La publicité se présente au contraire comme artifice, outrance volontaire, schématisme rigide. Elle affiche ses conventions et le public entre dans le jeu, discernant clairement ce qui est vérité et ce qui est feinte. Mais les cartes se brouillent lorsque les frontières deviennent de plus en plus floues entre information et publicité, tant la seconde peut se confondre avec la première.

Patrick Champagne, in Faire l'opinion: le nouveau jeu politique, Edition de Minuit, Paris, 1990, p 243

2. Fonction de la rhétorique

Nous admettrons, suivant une tradition ancienne, que la rhétorique met en jeu deux niveaux de langage (le " langage propre " et le " langage figuré "), et que la figure est une opération qui fait passer d'un niveau de langage à l'autre : c'est supposer que ce qui est dit de façon " figurée " aurait pu être dit de façon plus directe, plus simple, plus neutre.

Ce passage d'un niveau à l'autre se réaliserait, de façon symétrique, à deux moments : au moment de la création (l'émetteur du message partant d'une proposition simple pour la transformer à l'aide d'une " opération rhétorique ") et au moment de la réception (l'auditeur restituant la proposition dans sa simplicité première). Et c'est ici, sur une probable interprétation que se situe l'enjeu du message; Loin d'inoculer un message par une seringue hypodermique qui ressemblerait au totalitarisme et ne saurait donc être accepté, on laisse planer délibérément le doute, laissant le récepteur se "dépatouiller" dans sa propre analyse, le noyant dans sa pseudo réflexion, pour en définitive revenir vers le "salut de l'ame", l'écran télévisuel, seul ancrage possible dans la "réalité".

>>> Toute figure de rhétorique pourra s'analyser ainsi, dans la transgression feinte d'une norme. Suivant les cas, il s'agira des normes du langage, de la morale, de la société, de la logique, du monde physique, de la réalité…Et ce jeu de rhétorique, mêlé à l'image, peut altérer le jugement propre de celui qui reçoit les messages; Par une sorte d'hypnose, sa réflexion est amoindrie. Mais nous entrons ici dans le domaine de l'analyse de l'image, car celle-ci n'est que présentation d'une re-présentation. Comme le disait Roland BARTHES, Tout se passe comme si l'image se donnait à lire à plusieurs hommes et ces hommes peuvent très bien coexister en un seul individu : une même lexie (image) mobilise des lexiques différents. "

Roland BARTHES , "Rhétorique de l'image", in Communication, n° 4, Paris, Seuil, 1964.

3. Pour une performance de l'image.

"Commencer par l'inventaire iconique et non par la strate linguistique, peut laisser plus de possibilités associatives si l'on veut s'intéresser aux autres sens qu'au seul message publicitaire ."

>>> Une image est immédiatement lisible avec ses sens multiples. Son interprétation est variable selon ses contextes d'observation. Instable par sa richesse sémantique, l'image est un signifiant si riche qu'elle est difficile à maîtriser, parce qu'"indéfinissable".

En publicité, la signification de l'image est intentionnelle. Et l'organisation des signes y est réfléchie pour obtenir une meilleure lecture, une meilleure performance de l'image. De nombreux modèles culturels convergent ainsi et s'organisent entre eux afin de construire le texte-image d'une publicité.

>>> L'entreprise publicitaire est d'autant plus délicate qu'elle ne cherche pas à informer (objet de la réclame) mais à séduire, à magnifier l'usage d'un produit. C'est pourquoi le publicitaire se doit de maîtriser autant les signifiants que les signifiés, autrement dit autant les "manifestations matérielles" que les "manifestations symboliques" des signes qu'il met en scène au sein de sa propre création.

>>> Pour Roland Barthes , "L'image est re-présentation, c'est-à-dire en définitive résurrection." Si l'homme a besoin d'images pour se représenter le réel, l'image n'en est pas moins qu'un effet du réel, mais pas le réel en lui-même.

Propagande allemande en France durant la seconde guerre mondiale.

>>> L'analyse sémiologique, par son approche structurale, reconstitue, pas à pas, la production du signe en révélant la co-existence de 3 messages : le message linguistique, celui de l'image littérale et celui de l'image symbolique. C'est d'ailleurs l'étude du rapport que ces 3 messages verbaux et iconiques entretiennent entre eux qui intéresse particulièrement le sémiologue, motivé par la compréhension de la structure texte-image dans son ensemble. L'entreprise sémiologique est, bel et bien, une recherche de la cohérence de ce tout constitué.

>>> La sémiologie est partout et nulle part à la fois: "C'est l'étude de la science des signes au sein de la vie sociale" comme l'a défini F. de Saussure. Et dans notre société, la vie sociale se perçoit largement au travers du prisme télévisuel, ainsi que tout autre événement, avec ce pouvoir symbolique illimité, à savoir le "maniement des signes". Nous l'avons souligné, le signe a trois façades qui déterminent le regard, la pensée, l'action de tout un chacun. A la différence de Saussure qui ne distinguait que deux pôles dans l'approche du signe ( les phonèmes, son dépourvu de sens, et les monèmes, signes linguistiques ) Pierce lui attribue trois pôles : le signifiant ou " representamen " qui est la face perceptible du signe, ce qu'il représente ( le représenté, l'objet ) et sa signification, ce qu'il signifie ( interprétant ou signifié)

>>>Nous prendrons comme exemple, pour bien illustrer ce que nous venons de dire ci-dessus, des images que cette chaîne a diffusées, et nous allons étudier brièvement ( nous traiterons plus en détail cet aspect dans la deuxième partie ) la signification du signe envoyé au téléspectateur et compris comme tel, c'est à dire comme l'émetteur l'a compris. Prenons donc l'image de ces "images de chars en train d'avancer dans le désert": un exemple probant. Le signifiant est ici l'image télévisuelle, représentant une colonne de chars ( référent, objet) lancée à grande vitesse dans le désert sur la ville de Bagdad, peut signifier la" facilité " avec laquelle les troupes américaines pénètrent en Irak, sans trop de résistance ( alors que les troupes américaines ont été bloquées ), mais aussi une guerre éclair, signifiant ainsi la " rapidité " et donc la puissance ( signifié ) de l'armée américaine. Voir à la suite de ces images diffusées le commentaire d'un marine, sourire aux lèvres, joyeux, apporte également un autre signifié, bien pis mais calculé, celui de la " sympathie " pour ce que nous appelons, en terme strictement informationnel, un "agresseur". Un inversement des valeurs, une falsification de l'Histoire, en direct, grâce au travail sur le signe. Pourquoi nos médias sont-ils embarqués avec les agresseurs ?

>>> Le signe peut comporter " un véhicule de signe " ; le signifiant, c'est le médiateur entre l'objet désigné et l'agent du processus ou le signe se manifeste. Le signe est perçu immédiatement; et pour réduire l'entropie que ce dernier pourrait faire naître, le commentaire, s'il en était besoin, vient conforter l'ancrage informationnel idéologique. Nous savons en effet combien le message linguistique décide, conditionne, ancre tel ou tel sens parmi l'ensemble des sens que propose l'image pure. " Le message linguistique est une sorte d'étau qui empêche les sens connotés de proliférer vers des régions trop individuelles ." Le message linguistique sert donc à fixer la chaîne des signifiés que produit la polysémie "naturelle" de l'image.

Platon est connu pour être l'un des premiers à avoir déclaré la guerre aux images. Pour lui, les images ne sont que simulacres et accusées de dégrader "l'être" ou le vrai réel. Platon invite donc à se méfier des reflets et des doubles. Pour le Philosophe qui ira jusqu'à chasser de sa république les poètes comme les peintres non pas seulement parce qu'ils imitent mais parce qu'à cause de leurs talents mimétiques, on ne saura plus bien où se situe le réel, l'image est avant tout un mirage qui nous trompe, qui nous mystifie puisque nous la confondons avec l'objet lui-même.

Sarkozy: les poignées d'amour gomméesSarkozy: les poignées d'amour gommées

Paris Match, dans son édition du 9 août 2007, a fait disparaître, d'un coup de baguette magique, les poignées d'amour qui alourdissaient quelque peu la silhouette de Nicolas Sarkozy comme en témoigne l'original de la photo d'agence non retouchée.

Et on ne peut reprocher à Platon d'avoir manqué ni de lucidité, ni de cohérence, car " il fut l'un des rares à prendre les images véritablement au sérieux, c'est-à-dire à croire en la force de leur pouvoir. C'est pourquoi il aurait aimé leur interdire à toutes quelles qu'elles soient et sous quelque déguisement qu'elles se présentent, l'entrée de son royaume ".

C'est donc, avant tout, à l'illusionnisme de l'image ("imitari") que Platon s'oppose, puisque l'image ne nous livre qu'une vision déformée, distordue du réel, tout en nous mystifiant, tout en se substituant au réel. C'est le pouvoir de la télévision, créatrice de "mythe".

4. LE "MYTHE" TELEVISUEL

>>> Tapi dans l'ombre mais silencieusement à l'œuvre au sein du texte-image, le mythe est un " système sémiologique second " majoré. Sa finalité est d'" immobiliser le monde pour assurer le pouvoir de la bourgeoisie "

Le mythe est une falsification à l'œuvre, il est culturellement déterminé, au service d'un système social. L'intention du mythe est de transformer ce qui est idéologique en nature. Le mythe camoufle ainsi le message idéologique derrière la paisible évidence du bon sens, du naturel que représente l'image. " Pas de sémiologie qui ne s'assume comme sémioclastie " comme le disait Roland Barthes :" Le mythe est à droite ."

L'hypothèse de la sémiologie est de poser qu'antérieurement à la réalisation d'un message (publicité/image/texte) X, Y ou Z se trouve un parcours narratif. Ce souci obsessionnel à démontrer l'existence d'un scénario à l'origine de tout discours fixant une structure narrative fondamentale, nous amène inévitablement à démanteler le vaste réseau des mythes fondateurs caractéristiques de tel ou tel discours. Chacun des mythes est alors mis en examen pour sa complicité à faire valoir, à servir, à "représenter" telle ou telle idéologie, telle ou telle classe dominante. L'analyse sémiologique revient donc à "écrémer l'image", autrement dit à distinguer le message linguistique double de dénotation et de connotation du message perceptif (manifeste de l'image littérale) du message culturel (latent de l'image symbolique), tout en gardant à l'esprit le rapport étroit de ces trois messages.

Bibliographie

Martine Joly, Introduction à l'analyse de l'image , Nathan, 2001, p 24

Morris, Charles, Nouveaux Actes Sémiotiques , Limoges, PULIM ( toute collection )

Lichtenstein , la couleur éloquente , éditions Flammarion, 1989.

R. BARTHES, Mythologies , Mythes d'aujourd'hui, 1957.

R. BERGER, La Télé-fission , Casterman 1976

La violence symbolique des Médias selon Bourdieu


>>> L'image, dans notre culture, est embarrassée du sens. Nous cherchons constamment la signification des images, et nous avons fini par nous persuader que ce qui était important dans notre relation avec les images était leur signification. Tout comme Watzlawick qui disait que " l'on ne peut pas ne pas communiquer ", avec l'image, on ne peut pas ne pas interpréter. Refuser l'interprétation, c'est " confondre le rouge et le sang ", nier la nature de signe de l'image.

Martine Joly, L'image et les signes , Paris, Nathan Université, 1994

>>> Les médias ont une influence profonde et à long terme sur les perceptions, les valeurs et les comportements des individus. C'est la thèse faite par George Gerbner, en 1967, avec sa théorie de la "culture" et des études de socialisation : la cultivation analysis. Il montre que les grands consommateurs de télévision ont une vision du monde qui reflète celle des médias.

In Etat des Savoirs, La Communication , Edition Sciences Humaines, janvier 2003, p. 294

Puissant facteur psychologique, Arme de guerre

Nous prendrons ici des exemples historiques, notamment la guerre menée par les Etats-Unis contre l'Irak en 2003, objet de mon mémoire de DEA.

>>> Boileau versifiait : "Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement".Mais l'on énonce quelque chose, une idée, qui au préalable, en amont a été construite, réfléchie donc, surtout lorsque l'on sait que sa parole aura une aura nationale, voire internationale. De l'autre côté de l'écran , nous avons l'impression que les mots glissent indépendamment de son locuteur, comme par magie; ils nous bercent, accompagnent les images qui défilent inlassablement et nous racontent une histoire. Un effet lénifiant qui cache une sémiologie bien établie et bien comprise par les dirigeants et les responsables de l'information.

Voici un cas d'école de manipulation par le montage vidéo...


>>> L'image est une arme ! Ils faut donc connaître "la rhétorique des images", savoir qu'elles parlent...Des notions sont donc indispensables pour les appréhender et les contrôler.

L'enjeu de la guerre des images est le moral des troupes, le soutient des populations civiles mais aussi, plus largement, le contrôle de l'opinion publique mondiale. Les Etats-Unis et l'Irak s'affrontent aussi sur le terrain médiatique ; pour les uns, ne montrer que l'avancée rapide des troupes, ne rencontrant aucun obstacle et donc aucune résistance, accentuant ici l'idée d'une guerre propre relayée par la doctrine des « zéro mort » ; pour les autres, c'est au contraire mettre en avant la stabilité du régime, faire appel au patriotisme, et surtout montrer les images des « dégâts collatéraux » , c'est à dire les victimes civiles, pour exhorter les peuples musulmans à combattre « le grand Satan » mais aussi pour émouvoir les peuples du monde, et spécialement les amis de « l'oncle Sam », afin que les Etats-Unis se retrouvent mis au banc des nations démocratiques.

Une guerre, c'est militaire, c'est diplomatique et c'est aussi médiatique…C ‘est tellement important de "gagner les opinions publiques" aujourd'hui, d'essayer de les ramener à son propre point de vue afin d'obtenir une certaine légitimité dans cette illégalité internationale que l'on essaye de cacher, qu'on considère un certain nombre de médias comme ennemi, et Al Jazira, " porte parole " du monde arabe ou du moins une sorte de contre propagande américaine, était donc considérée comme un ennemi ; tout comme d'ailleurs les journalistes ( la plupart occidentaux ) qui se trouvaient dans l'hôtel Palestine, qui malgré leur nationalité essayaient de faire leur travail, c'est à dire retranscrire des faits et montrer ce que faisaient les Américains.

Mais la réalité est tronquée...


Propagande medias US

Quand l'image apparaît, elle n'est pas la bien venue ; pour des raisons stratégiques et militaires évidentes, car grâce aux satellites les images diffusées peuvent servir l'ennemi, par exemple en situant mieux ce qu'il y a sur le front ( des numéros d'unité de chars qui permettraient de donner une information sur le nombre d'homme, des matériels…)

Roland Dorgelès, l'auteur des Croix de bois et de la drôle de guerre 1939- 1945 , dans l'émission Lecture pour tous, une émission de Pierre Dumayet et Pierre Desgraupes, avait dénoncé ce que la censure avait caché en 1939- 1940 alors qu'il était correspondant de guerre : «  A tout instant, on nous empêchait de parler ; on nous empêchait de parler alors que nous étions les premiers nos censeurs ; nous savions bien ce que nous n'avions pas le droit de dire, ce qui était pour nous un devoir de taire  » Et de poursuivre son déballage saisissant sur les manquements de notre armée de l'époque durant cette drôle de guerre : «  On s'est aperçu qu'au grand état major français qu'il n'y avait pas de cartes pour suivre les opérations ; des cartes, de la frontière ( allemande ) jusqu'à la seine, on n'en avait pas prévu ; on avait prévu, quelle invraisemblance, des cartes qui allaient jusqu'au Rhin et même jusqu'à Berlin, là on en avait ; mais des cartes pour les zones où on se battait, on en avait plus, on n'y avait pas pensé ! » Quelle belle arrogance française cachée aux français !

In Passé sous silence, Guerre, censure et télévision de Daniel Costelle documentaire diffusé par France 3 en janvier 2003

>>> Dans le second conflit mondial, les Allemands appliquent à la lettre les consignes de Gobbels : «  Montrer le moins possible de souffrance ou de morts, y compris de l'ennemi, pour ne pas démoraliser ses propres troupes ; il faut être optimiste, même dans les pires circonstances »

Pour Isabelle Veyrat-Masson, historienne de la télévision, "  le danger de montrer les images très violentes c'est qu'elles peuvent choquer, satisfaire un goût malsain pour le sadisme ; mais il y a aussi un intérêt collectif à montrer ces images, car si on avait montrer aux gens ce qu'étaient vraiment les guerres, peut être que ces guerres se seraient arrêtées plus vite ; à un moment donné, on aurait dit : « arrêtez le massacre ! » Ne faut-il pas montrer l'horreur des guerres pour les faire cesser, pour les rendre courtes ; alors qu'en cachant, en les censurant, en édulcorant, on prolonge les guerres "

Il y a trois formes de censure des guerres :

•  Le contrôle des sources

•  Le contrôles des contenus

•  Les directives qui sont données aux réseaux des médias

1. Guerre d'Algérie, service cinématographique des Armées ( SCA)

Philippe de Broca, cinéaste :  « Je savais que je ne pouvais pas filmer de soldats français faisant des actes de violences sur des algériens, ou brûler des fermes ou des moissons ; Au début je le faisais et puis le chef de service visionnait et me disait : « ne filmez pas tout ça, c'est pas la peine ; je sais qu'il y a des bavures, mais ce n'est pas le moment de les montrer », alors il les détruisait »

Une autre forme de censure consiste à ne filmer que ce qui " est intéressant ", à l'image des visites officielles…

Le ministre de l'information Gérard Jacquet, durant la guerre d'Algérie déclarait :  « A tout moment, la télévision peut être obligée par le ministère de s'abstenir de diffuser une émission » Et là on redécouvre une stratégie simple dans la délivrance d'un message : plus un instrument de communication est important, plus il est censuré ! « L'histoire de la censure, c'est aussi l'histoire de la télévision »

« Le journal télévisé ne doit pas être à la disposition d'un parti politique ou d'un groupe d'intérêt particulier ; il doit être le journal de tous les Français » . Dés lors, nous voilà rassuré !

Isabelle Veyrat-Masson, historienne de la télévision, ibid

Alain Perfitte, inaugurant la nouvelle formule du journal télévisé

2. Cuba

Notre Histoire regorge de construction de mythe et de légende dont la masse collective est empreinte, surtout si elle vient conforter ses propres croyances et sa propre idéologie ; à l'instar de la crise des fusées en 1962 à Cuba entre les Etats-Unis et l'URSS où le monde « était au bord d'un conflit nucléaire » entre les deux grands ; son dénouement fut présenté ainsi dans les livres d'histoire et d'encyclopédie :

- "Crise qui opposa en 1962 les États-Unis et l'U.R.S.S. à propos de l'installation de fusées soviétiques à Cuba. Le président Kennedy, ayant acquis dès septembre la preuve de l'implantation de fusées offensives, décida le blocus des armes livrées à Cuba par les cargos soviétiques. L'U.R.S.S. émit des protestations véhémentes, mais N. Khrouchtchev proposa finalement une solution à la crise, prévoyant que l'U.R.S.S. retirerait ses missiles sous le contrôle de l'O.N.U., que Cuba s'engagerait pour l'avenir à ne pas accepter d'armes offensives et les États-Unis à ne pas envahir Cuba. Le 28 octobre, la crise se dénoua sur ces bases, et les sites furent démantelés dès le 12 novembre".

Selon le père de l'arme nucléaire française, le général Pierre Marie Gallois, « elle est présentée comme le chef-d'œuvre diplomatique de l'équipe Kennedy ; en réalité, on savait à l ‘époque à l'Otan que cette guerre était impossible ; qu'est-ce qui s'est passé ? Simplement les Américains ont déployé en Italie et en Turquie des engins balistiques ; les Russes ont vu ça d'un très mauvais œil et ont donc eu l'idée de mettre des missiles à Cuba et de dire à Kennedy :  « vous voyez comment c'est inconfortable de se trouver sous la menace d'armements imparables à la porte de son territoire ? Alors retirez donc vos engins, et moi je retire les miens ! »

C'était donc une victoire soviétique, l'inverse de ce qui a été dit ! Les Américains ont retiré leurs missiles et les Russes ont fait de même…Mais le récit de cet événement a fait peu de cas des Russes qui semblent avoir mangé leur chapeau et a porté en triomphe le camp de la liberté qui a « évité un cataclysme mondial » grâce à l'intelligence de l'équipe américaine…

L'image relayée par France2 lors du conflit Irakien en 2003

Toute guerre a son vocabulaire, inventé par les militaires, repris par les journalistes, et qui sert souvent sinon à cacher du moins à détourner la vérité. Quel vocabulaire France 2 a-t-elle employé lors de ce conflit dans lequel notre pays n'était pas engagé ? Quels mots les orateurs de la chaîne ont-ils utilisé pour s'adresser aux téléspectateurs ?

1. La Position de France 2 lors des "Images Des Prisonniers Américains "

Cet événement a créé au sein des rédactions plusieurs ambivalences et polémiques quant à son traitement; tout d'abord, il a créé une véritable surprise, car cette information n'était pas attendue.

1.1 La présentation et la préparation

Nous sommes le dimanche 23 mars 2003, il est 20 H, le générique du journal envahit l'écran; la voix grave de Béatrice Schönberg annonce en titre sur fond sonore : " les premiers prisonniers américains…Leurs visages ont été diffusés d'abord sur les télévisions irakiennes, trois hommes et une femme aux visages hébétés; Georges W. Bush exige qu'ils soient traités avec humanité; et puis, les premières victimes des soldats de la coalition morts au combat, la guerre des images…"

La guerre des images. Ce terme est important à retenir et à analyser; d'abord, le contexte dans lequel il intervient. Nous sommes trois jours après le début des opérations, et les évènements ne tournent pas trop à l'avantage des américains, malgré des débuts "fastes"( prisonniers irakiens montrés à l'envie, "avancée spectaculaire…") Auparavant, le terme de la guerre des images n'avait jamais été "employé". Pourquoi ? Parce que la télévision irakienne ne disposait pas avant d'images chocs pour contrer la stratégie médiatique de la coalition et intéresser les médias occidentaux ? Ou parce qu'elle remet en cause un ordre symbolique bien établi que l'on ne peut ignorer désormais, du fait du relais que constitue Al Jazeera ? Cela est qualifié de "guerre des images", ce qui sous-entendrait que la chaîne diffuse ces images exprès à des fins de propagande. Elle entre désormais en guerre contre nos images, occidentales, reflets fiables de notre réalité. "Guerre des images" alors qu'il ne s'agit que d'un événement en réalité, d'une information nouvelle : des soldats américains ont été capturés. Les objections que fait France 2 peuvent de fait s'appliquer à elle-même, et de qualifie de facto comme chaîne propagandiste. Car, en trouvant "normal" le fait de diffuser des prisonniers irakiens , sans aucune critique face à ces images, elle se trahit en dénonçant l'autre qui fait exactement la même chose; en dénonçant des pratiques propagandistes, elle se définit elle-même sans le savoir et donne aux téléspectateurs les clés implicites du décodage de l'information télévisée. Tout reportage, toute image sont des discours appuyés par une idéologie; et en critiquant les méthodes et la manière de diffusion de chaînes "concurrentes" ( médiatiquement, culturellement, idéologiquement) elle affiche de fait les siennes, et permet aux téléspectateurs de découvrir que l'information qu'on lui apporte à l'écran, chez lui, est partiale malgré l'habillage…

Une guerre des images qui en devient une lorsque l'autre dispose "d'arme"que nous n'avons pas. La réflexion sur les images se pose explicitement à l'antenne, alors qu'il n'en était rien auparavant. Mais France 2, par les lèvres de B. Schonberg, essaie de jouer la neutralité : " Ayant montré dans nos reportages d'hier et d'avant-hier des prisonniers irakiens, nous avons considéré que nous n'avions pas à censurer ces images" ( pourquoi, dans le passé, c'était chose courante ? ) Et d'ajouter : " En revanche, les images des dépouilles de soldats de la coalition, tués au combat et montrés allongés sur le sol, ont été volontairement édulcorées."

La présentation de ce sujet n'est pas confiée à n'importe quel journaliste; il est sous la responsabilité directe du rédacteur en chef adjoint du pool information générale et étrangère, Pascal Doucet-Bon. Un sujet qui va à l'encontre de la stratégie médiatique peut être traité uniquement par une personne qui connaît bien le "système" des mots et de la rhétorique. Il faut faite attention lorsque l'on va décrire le "travail" de l'autre chaîne concurrente, car en délivrant des critiques acerbes contre un "montage d'une réalité" de la part d'un média télévisé, on encourt le risque de donner les clés aux téléspectateurs pour décoder ce même montage que l'on pratique soi-même.

1.2 Le sujet lui-même et son orientation

Il y a trois présentations en réalité de ce sujet : le sujet "factuel", c'est à dire le fait de relater ce qui s'est passé, qui est impliqué, comment…Puis, le sujet "Réactions", avec les sentiments de l'Amérique, " en direct avec E. Leenhardt ", enfin de l'Irak, " avec nous en direct de Bagdad Alain de Chalvron"

Le sujet est donc présenté par Pascal Doucet-Bon : " Ces images ont été filmées par la télévision irakienne, mais c'est Al Jazeera qui les diffuse en boucle. La séquence que nous avons en partie coupée comprant plusieurs gros plans; les corps ont été rassemblés, apparemment pour les besoins du tournage. Une mise en scène très difficile à supporter…"

"Une mise en scène très difficile à supporter" . Certes, nous en convenons et nous compatissons; tout comme nous compatissons avec les morts irakiens, mais cela n'est pas dit à l'antenne. Pour une chaîne dont le pays n'est pas engagé dans le conflit, le traitement et les "mises en scènes" sont inappropriées et inégalement traitées; les morts irakiens demeurent hors champ, à l'exception des reportages dans les hôpitaux de Bagdad, que le pouvoir laisse " complaisamment filmer pour sa propagande ". Pourquoi y aurait-il propagande à sens unique ?

Et cette connotation de propagande va se poursuivre avec le déroulement du journal de B. Schonberg : " Et en direct de Washington Etienne Leenhardt" qui ne tarde pas à reconnaître " l'effet dévastateur de ces images qui oblige le président Bush à communiquer, voire à surcommuniquer". Puis, réciprocité oblige, B. Schonberg se tourne vers A. de Chalvron, en direct de Bagdad, avec une question bien orientée ( que ce dernier fait mine d'ignorer ! ) : " Ces images ont un parfum de triomphalisme pour le pouvoir irakien ?" Et celui-ci de répondre : " De vengeance plutôt !" Et de poursuivre : " Le plus important pour eux [ les autorités irakiennes ] c'est de toucher cette opinion intérieure, et généralement Arabe ."

L'analyse de l'image se fait (est-ce surprenant ? ) uniquement pour les autres médias, qualifiés indirectement de faire de la propagande; " Toucher cette opinion intérieure" certes, nous n'en doutons pas, cela peut servir à galvaniser les troupes irakiennes, mais c'est aussi une information intrinsèque, dans sa définition propre de celle-ci ( une donnée qui réduit l'entropie) qui nous est présentée, et qui est détournée par la communication occidentale, et donc par France 2 en tant que propagande ; si nous appliquons les mêmes critiques, que pouvons-nous dire alors des reportages de France 2 dont les caméras sont orientées uniquement vers les GI ? Que dire de ce reportage lors des premiers morts américains où l'on diffuse les témoignages poignants des familles des victimes ? Et les familles des soldats irakiens alors ? " Presque la moitié des informations sur la guerre concernaient soit les actions de l'infanterie sur le terrain, soit les activités de l'aviation; et environ 12 % d'entre elles étaient des déclarations officielles des deux gouvernements. Le point de vue de "l'ennemi" n'était fourni que par 3 % de l'ensemble des informations diffusées. Un tel pourcentage indique assez explicitement combien la télévision américaine fut partiale". Si nous appliquons cette citation de Ignacio Ramonet, concernant le traitement de la guerre du Vietnam par les télévisions américaines, au traitement du conflit "en" Irak par France 2, nous constatons exactement les mêmes similitudes et presque la même asymétrie dans la manière de présenter les évènements : la majorité des sujets diffusés concernait, ce que l'on nommait à la rédaction, "les factuels", c'est à dire le traitement de ce qui s'était déroulé dans la journée ( les avancées américaines, les conséquences des bombardements…); puis, les discours officiels des deux camps, porte-parole du Pentagone d'un côté, ministre irakien de l'information de l'autre, les deux voix sont portées par les bandes médiatiques…parfois sans aucune vérification de la véracité des propos tenus; Mais là est le malaise des médias : s'emparer de l'événement sans l'inscrire dans une temporalité, c'est à dire en occultant les causes de ce dernier, ne traitant que la surface des choses et essayant de lui trouver, le plus rapidement possible, une solution rapide; le temps médiatique n'est pas le temps historique. " Les Américains sont désormais bloqués à une trentaine de kilomètres au sud de Bagdad" : deux semaines seulement après le début du conflit, tous les médias soulignaient "la pause de l'armée américaine" comme si une guerre ne durait q'un laps de temps très court, comme si l'évènement ne s'inscrivait pas dans une logique, à savoir la logique médiatique qui veut à la fois les évènements, leurs déroulements et leurs dénouements dans un temps très court.

En voulant coller à l'évènement, nous assistons à la défaite de l'explication, où les images "parlent d'elles-mêmes" un discours où l'on a bien pris soin en amont de l'acuité de ces dernières, partant du fait que l'image authentifie le propos; mais comme nous le rappelions plus haut, une image n'est jamais neutre, et il faut nécessairement s'interroger sur le pourquoi de leur diffusion, à quelle moment celle-ci passe à l'écran. La télévision n'est pas la reproduction du réel, mais bien une production de celui-ci; et comme toute production, elle est mise en scène, avec un scénario bien établit, une idée bien précise que le téléspectateur ne peut penser, ne peut voir tant le pouvoir médiologique est important; le prima de l'écran fait vérité, mais ne l'est pas : en montrant, l'image dit qu'elle n'est pas, c'est à dire qu'elle est une simple re-présentation de l'objet et non cet objet même; en "montrant" la guerre, France2 dit ce qu'il n'est pas, ce qui n'est qu'une re-présentation de ce qu'elle perçois ( les rédacteurs en chef )

Ignacio Ramonet, Le Monde Diplomatique, Avril 2000, Filmer le conflit du Vietnam , p 27

Sommaire


II. Propagandes

La propagande cherchent à altérer l'opinion publique en faveur des intérêts propres de ceux qui l'élabore. Elle vise à modifier les actions, les comportements, les croyances et les espérances de la cible visée. Elle s'inscrit dans une logique, une pensée, une stratégie bien déterminée pour un seul but : changer la réalité. Faire admettre, insidieusement, à une population donnée, autre chose que ce que leur propre raison, leur propre entendement pourrait percevoir naturellement. En s'immiscent subréptisemment dans notre quotidien au travers de différent message, en utilisant divers moyens pour parvenir à leur fin (les médias notamment) les propagandistes n'ont qu'un seul objectif : vous ramener à leur vision, vous fédérer, vous rallier à leurs représentations.

Mais l'acte de manipulation, le message, dans sa dimension cognitive ou sa forme affective, est conçu pour tromper, induire en erreur, faire croire ce qui n'est pas . ( PHILIPPE BRETON )

Si vous êtes en accord avec l'expression qui suit, que vous ne vous posez aucune question sur cette phrase, il est propable que les propagandistes ont atteint leur dessein : "les médias pensent comme moi !" En d'autres termes, si les représentations qui défilent tous les soirs devant vous au journal de 20h ne trouvent que des échos favorables, des acquiescements, il est trés probable que vous soyiez tombés dans la servitude volontaire comme l'écrivait La Boétie.

Propagande anti-française au moment du véto contre la guerre d'Irak " AVANT DE VAINCRE, IL FAUT CONVAINCRE "

Que cherche à propager la propagande ? Des idées, des valeurs, des jugements, bref de l'endoctrinement ? Des informations, au sens de nouvelles, c'est-à-dire le récit d'événements réels, de façon vraie ou fausse, cadrée ou contextualisée de façon à amener à telle ou telle conclusion ? Mais aussi des images qui ont tel ou tel impact psychologique selon les prédispositions du spectateur ?

Pour Jacques ELLUL, la propagande se définie comme une " possession intérieure de l'individu par une puissance sociale, qui correspond à la dépossession de lui-même . " ( Propagandes , Paris, Economica, 1990, p.102)

Pour comprendre, il nous faut peut-être remettre les choses dans une perspective historique. La propagande a une histoire politique et technique et, si nous avons tant de mal à décrire ce qu'est le processus de la propagande (et plus encore son effet et son efficacité), nous en avons beaucoup moins à retracer la volonté de propagande. Car c'est avant tout de la volonté de faire-croire et de la technique de production du consentement que naît la propagande.

1.1 Approche historique de la propagande

C'est d'abord un concept religieux. La propaganda fide du XVII° siècle lutte pour imposer la « vraie foi chrétienne » contre la Réforme. Propagande de communion, elle ressoude la communauté menacée (le corps mystique de l'Église). Propagande dogmatique, elle doit propager des articles de foi, mener une action de transmission et de pédagogie. Propagande de combat, elle attaque l'hérésie (et donc affronte une autre « propagande »). La francisation du mot, en 1790 dans un contexte révolutionnaire, en confirme le caractère global. La propagande est la servante de l'idéologie ; ce n'est pas seulement un instrument pour décrire le monde, voire pour le rendre acceptable (c'est-à-dire plutôt rationnel et ordonné aux yeux des puissants), c'est un moyen de le changer. Et comme nous le verrons, le président Bush a emprunt son discours de religiosité. Le terme s'applique donc aujourd'hui à l'ensemble des moyens mis en œuvre, par les partis ou les Etats, pour vanter les bien-faits d'un programme ou d'un régime.

La devise des premiers propagandistes était « Simulation, stimulation, dissimulation » : donner une image militairement ou idéologiquement correcte du conflit, stimuler les ardeurs patriotiques, martiales et morales et dissimuler par la censure tout ce qui pourrait troubler la vision officielle des événements.

La propagande crée des bureaux de la foi. Des services entiers sont affectés au contrôle des nouvelles, expurgeant tout ce qui est publié, texte ou image. Ces mêmes services sont chargés de protéger une ressource stratégique, le « moral des civils ». Les atteintes à ce bien précieux tombent sous le coup de sanction : gare aux défaitistes ou à ceux qui tiennent un autre discours !

L'ordre symbolique, et surtout idéologique ne peut être perturbé, surtout en temps de guerre, et une autre vision de la vision officielle ne serait être tolérée

 La propagande peut être définie comme " une stratégie de persuasion destinée à imposer des références collectives et à transformer les mentalités et les conduites d'un groupe important d'individus ; la notion de propagande suppose un projet qui nourrit le contenu du discours, un ensemble de techniques de mobilisation, et une cible réceptive. Elle appartient au domaine du Politique et s'adresse à un ensemble de sujets destinés à être persuadés " (Lucien Sfez, dictionnaire critique de la communication, p 1002)

Ce mot est donc synonyme des mots comme mensonges, manipulation, conditionnement, endoctrinement…et rappelle bien des régimes totalitaires et des périodes très sombres de l'Histoire. La propagande de Goebbels a bien mobilisé les masses ! D'ailleurs Hitler a bien écrit dans Mein Kampf au tome 2 qui consacre un chapitre à la question de la propagande, à sa légitimation et à son organisation ; il écrit : " un succès décisif dans une révolution sera toujours atteint si une nouvelle conception du monde est enseignée à tout les peuples, voire même imposée en cas de nécessité et que, d'autre part, l'organisation centrale dans le mouvement englobe le minimum d'hommes absolument indispensables pour occuper le centre nerveux de l'État ". Cette formule implique tous les moyens de la persuasion, mensonges, désinformation, censure et coercition. Le but non-avoué est de renforcer une auto-image, c'est à dire de faire émerger à l'encontre du peuple le sentiment de fierté d'appartenir à ce pays, et de définir en négatif l'image de l'ennemi, le xénotype, de brocarder ce dernier afin de cibler et de concentrer ses attaques sur cette infâme bête qu'est l'autre, accentuant de fait la montée du nationalisme ; et comme l'histoire nous l'a appris, le nationalisme, c'est la guerre !

Mais naturellement, il est impensable, dans nos sociétés démocratiques, où la liberté est presque élevée en dogme, de voir de tels procédés apparaître contre les citoyens du monde libre ; car le droit à la vérité ( caractère de ce qui est vrai, faits conformes à la réalité ou à des expressions artistiques fidèles de la nature, d'une sincérité, d'une bonne foi ) est opposé à toute distorsion mensongère de la réalité ( caractère de ce qui est réel, par opposition à ce qui est rêvé, fictif…) En théorie et idéalement, car lorsque l'on a un projet ( envahir l'Irak ), des techniques de mobilisation ( de puissants médias ) et une cible réceptive ( le peuple américain ) on peut tout élaborer ; la « fin justifie les moyens » comme dirait Kant.

1.2 La propagande ne se voit pas

La propagande est à double face. Grande simplificatrice, elle réduit le monde à nous et eux. L'adversaire unique, à la fois cause de nos malheurs et objet de nos projections, nous ressoude. Dans ce processus, le contenu de la croyance importe peut-être moins que le lien (entre nous) et la frontière (qui nous sépare d'eux).
La propagande absolue suppose enfin et surtout le crime absolu. Il ne suffit pas que l'ennemi soit combattu ou que sa cause soit injuste, il faut qu'il soit si coupable qu'il s'exclue du genre humain et que la guerre à mener se confonde avec une œuvre de justice.


 

La propagande touche au domaine des valeurs en général, de la culture, de l'esthétique; comment des journalistes de ce nom ont-ils pu faire diffuser des images d'attroupement d'Irakiens en liesse brandissant à l'envie des drapeaux américains, neufs, parfois frappés en font d'un Sylvester Stallone, sans même se poser la question de la provenance de ces mêmes drapeaux? Est-il pensable que sous le régime de Saddam, qui rappelons-le était dur et qui maintenait son peuple dans une peur collective et quotidienne, ce même peuple aurait acheté ou fabriqué ces drapeaux américains ? Même si cela fut possible, on ne peut occulter que le peuple irakien est avant tout un peuple musulman, qui ne tient pas trop en respect les Américains; dés lors, nous pouvons en conclure que ce sont bien les troupes américaines qui ont distribué ces drapeaux neufs brandis pour l'occasion, face aux caméras, à l'instar des bonbons que l'on distribuait aux enfants irakiens afin qu'ils courent, sourire aux lèvres, à côté des chars américains; bonbons qui sont restés hors champ pour les caméras, qui en revanche se sont largement attardées sur le sourire de l'innocence pour appuyer l'idéologie de départ, à savoir "la libération", mobile officiel de ce conflit…

1.3. Propagande et désinformation

Le premier terme se prête à un usage abusif, surtout lorsqu'il finit par désigner toute opinion diffusée par les médias et que l'on croit fausse ou biaisée. La désinformation consiste à propager délibérément des informations fausses pour influencer une opinion et affaiblir un adversaire. La désinformation se distingue essentiellement de la propagande (même si elle la complète généralement) par le caractère caché de la source; c'est un mensonge stratégique. Si je dis « ce pays est le mal incarné », c'est de la propagande. Si je m'arrange pour qu'une source apparemment neutre diffuse les pires calomnies sur le parti adverse et si je fais circuler de fausses déclarations de ce parti, je fais de la désinformation ( exemple d'une probable ex femme de Saddam interviewée par la chaîne Fox News qui déclarait face aux caméras qu'elle était le témoin de rencontres entre Saddam Hussein et Ben Laden…)

Là où la propagande vise à persuader de l'excellence d'un parti, d'un régime ou d'une cause et à diffuser ses valeurs générales, la désinformation tente généralement de faire diffuser une information factuelle fausse ou réinterprétée, et à infliger le plus grand dommage collatéral possible à la cause adverse, en divisant ses partisans ou en les culpabilisant. La propagande convertit, la désinformation affaiblit. La première est dynamisante, la seconde incapacitante.

Le but de la guerre armée consiste à désarmer l'adversaire pour lui imposer sa volonté; le but de la guerre cognitive est de désinformer pour imposer une perception favorable à sa volonté.

La notion stratégique de désinformation met l'accent sur le fait d'affaiblir l'adversaire. Il s'agit de le faire céder (directement en atteignant sa volonté, indirectement en le disqualifiant à l'égard des tiers) ou de le dénigrer afin d'avoir le soutient de son peuple dans sa propre perception.

Nous comprenons mieux pourquoi alors en septembre 2002 Herta Daübler-Gmelin, la ministre Vert de la santé allemande a déclenché une vive polémique en osant lâcher cette phrase :  « Les méthodes de Bush sont comparables à celles d'Hitler ! » Une rhétorique que nous n'avons pas l'habitude d'entendre et qui bouleverse nos certitudes occidentales, voire révolte certains, que l'on puisse traiter ainsi le leader du « camp du bien ». Formule qui choque, car elle bouscule l'ordre établi. Mais comment un tel retournement de valeur est-il possible ? Possède-t-elle des informations ( énoncé, contenu ) dont nous ignorerions l'existence du fait de son occultation, de l'autisme médiatique qui ne relaie que la simple énonciation de l'énoncé ?

Les techniques modernes du traitement de l'image et de sa diffusion favorise la propagande

 

 

Ils sont morts pour la France, mais la France a oublié

3. Exemple, par l'image, de propogande

Quelle est l'objectivité des images? Comment sont-elles instrumentalisées? Quelle est l'histoire derrière l'image?

Dès l'Antiquité, le pouvoir politique est représenté en images. Les pièces de monnaie portent l'effigie du dirigeant politique, les statues servent à glorifier l'empereur. Sous l'Empire romain, la destruction d'insignes du pouvoir est déjà l'expression d'une hostilité à l'ordre politique en place. Il arrive souvent qu'une révolte commence par la mise à bas des images de l'empereur, les « imagines principis ». Nous l'avons vu largement lors de la chute de Saddam Hussein, image du "peuple irakien" piétinant l'ancien maître. L'histoire a elle aussi ses manipulateurs.

Lénine tenant un discours sur la place Swerdlow à Moscou devant les camarades de l'armée rouge. Un photographe anonyme prît ce cliché, sur lequel nous apercevons Trotski et Kamenev sur les escaliers de l'estrade( 5 mai 1920)
Pour l'Histoire, ce cliché n'apparaîtra plus que sous sa forme retouchée. Trotski et Kamenev ont été remplacé par cinq marches en bois. Début de la construction du mythe, du culte du chef

Autre manipulation de l'image, avec cet exemple contemporain :

- Le Figaro a retouché une photo du banquier japonais Osada (inculpé dans son pays pour corruption !) et a gommé la présence de Jacques Chirac. La photo a été "recadrée" mais pas "truquée", a expliqué Nicolas Beytout, le directeur du Figaro. Ce dernier a publié une photo horizontale en haut de page, sur laquelle le banquier est à droite du cliché, posant devant un panneau à moulures, avec à sa droite une large zone sombre. En réalité, voici la véritable photographie :



Le Figaro, "pour éviter un rapprochement gênant" entre le banquier déchu et le président Chirac, a effacé toute trace de ce dernier.

 

- Aujourd'hui, au lieu de la colle et du scalpel, il y a désormais Photoshop, logiciel de traitement qui permet de manipuler les photos plus facilement. Le 9 août 2006, l'agence de presse Reuters a licencié un de ses collaborateurs qu'elle accuse d'avoir retouché deux de ses clichés avec Photoshop pour renforcer l'effet dramatique des bombardements sur Beyrouth.

A gauche, un extrait du cliché manipulé, à droite, l'original

 

- Une photographie de l'attentat à la bombe de Louxor du 7 novembre 1997 truquée par le journal à sensation suisse "Blick" pour vendre plus.

« Un pays comme en état de guerre » : tel est le titre d'un article du journal à sensation suisse Blick sur l'attentat à la bombe de Louxor du 7 novembre 1997. Une photo du théâtre des événements illustre l'article : une large traînée de sang s'étend jusqu'au temple d'Hatshepsout, soulignant l'horreur de l'attentat des intégristes islamistes. Le journal de midi de la télévision suisse DRS diffuse la même image …

 

Quatre jours après la publication de la photo, Blick est accusé par un concurrent, SonntagsZeitung, d'avoir truqué la photo, une accusation rapidement confirmée. La rédaction de Blick avait retouché numériquement une flaque sur l'original et lui avait donné une couleur rouge : l'eau se transformait en sang…

 

- Hugo Chávez est la bête noire de Washington, et cette dernière essaie par tous les moyens de donner une image négative du leader vénézuélien. Ici une photo truquée relayée par un quotidien de droite Tal Cual.

Une rose remplacée par une arme

 

4 - Communication, Propagande et 11 septembre 01 : la politique du pire?

On vient de le voir, la communication (ou propagande) emploie tous les moyens pour arriver à ses fins. Le 11 septembre 2001 ferait-il partie de cette catégorie ? C'est ce que pense en tout cas les auteurs du documentaire Loose Change qu'a diffusé la chaine Planète en octobre 2006. Selon ces auteurs, c'est une véritable conspiration d'Etat qui est à l'origine de cet évènement qui a coûté la vie à près de 3000 personnes... Regardez !

 

5. Le cinéma et la communication

Vous trouverez ici un lien assez bien fait sur l'utilisation du cinéma par les Etats-Unis pour leur conquête idéologique.

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